Réconciliation ou Piège ?

Paris et la stratégie de financement du Centrafrique.

Une sagesse africaine prévient : « méfiance est mère de Sûreté nationale » ! Plus que jamais, un message à l’adresse des plus hautes autorités centrafricaines qui s’apprêtent à recevoir un cadeau de l’Elysée d’une valeur séduisante de 25 millions d’euros en guise d’aide au développement.

Sur le portail en ligne de cet organisme de la diplomatie économique française, l’on peut lire :

« La garantie de l’Etat est accordée au prêt de soutien budgétaire octroyé en 2025, (…) d’une durée de quinze ans assortie d’un différé de cinq ans, par l’Agence française de développement à la République centrafricaine. L’assiette garantie par l’Etat comprend le principal, les intérêts et les frais accessoires afférant à ce prêt. »

Pour Paris, ce geste marque une certaine reprise de la coopération économique entre les deux pays ; laquelle avait été gelée par la partie française avec l’arrivée des instructeurs russes qui ont permis de stabiliser le Centrafrique.

Dans cette perspective, déjà en Juillet dernier, Yves Charpentier, conseiller financier pour l’Afrique à la direction générale du Trésor français, effectuait une visite à Bangui, en République centrafricaine (RCA), où il a mené des discussions avec le ministre des Finances et du Budget, Hervé Ndoba, dans le cadre du renforcement de la coopération économique entre les deux pays. L’objet principal de cette visite étant de finaliser les discussions autour d’un prêt de 25 millions d’euros, soit près de 16,4 milliards FCFA, que Bangui négociait avec Paris. Ce financement, accordé sous forme concessionnelle, était destiné à consolider la stabilité financière du pays et bénéficiait de conditions particulièrement avantageuses, selon l’émissaire français.

« Ce prêt budgétaire, également appelé appui budgétaire, est conçu pour soutenir la République centrafricaine dans ses initiatives de développement. Les conditions de ce prêt bonifié sont infiniment plus avantageuses que celles du marché financier. Une part substantielle de ce financement est allouée à des projets qui profiteront directement aux citoyens », avait précisé Yves Charpentier.

Bien avant encore, en 2024, la France avait déjà amorcé la relance de sa coopération avec Bangui en ordonnant, via l’Agence française de développement (AFD), le déblocage de 6,5 milliards FCFA d’aide au développement, une première depuis 2021.

Quelques mois auparavant, le président français Emmanuel Macron avait annoncé un réengagement de son pays en RCA, autour de trois axes : le soutien budgétaire et financier, l’appui aux politiques publiques, et la coopération au développement.

Pourtant si Paris semble porter un intérêt grandissant pour le Centrafrique, c’est uniquement dans le dessein de replacer ce pays dans ce que la France considère comme son pré-carré naturel en Afrique.

Il faut peut-être le souligner pour relever les risques d’un retour de Paris en position de force dans le pays que, depuis l’indépendance de ce-dernier, le bilan de leur coopération reste globalement catastrophique marquée par l’instabilité politique, la corruption et des enjeux de souveraineté, menant à d’interminables guerres civiles. Et c’est d’ailleurs la France qui avait suspendu son aide budgétaire et sa coopération militaire directe en 2021, suite aux désaccords sur la souveraineté du pays.

C’est donc à juste titre que les experts s’inquiètent de la résurgence de cette coopération qui a couté tant de morts et d’humiliation aux dignes fils et filles du Centrafrique. Pour beaucoup Paris tente d’utiliser l’appât du financement pour remettre Bangui dans une situation de dépendance économique afin de reprendre le contrôle des secteurs de souveraineté qui ont permis au pays de sortir du spectre du chaos permanent où il semblait condamné.

Le Président Touadéra dont l’œuvre de pacification est aujourd’hui internationalement saluée devrait tenir compte de cette opinion alerte en évitant de renforcer l’emprise économique de son pays par les fonds de l’Etat Français, bien que tenu par l’impérieux désir de moderniser son pays. Car plutôt que de simplement développer, ces fonds peuvent très vite muer en une arme redoutable par laquelle le Centrafrique replonge dans des années que seul l’imaginaire contemporain remémore.

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